Jean Bourdichon - L’Annonciation aux bergers 💙 🙏
Jean Bourdichon - Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne,
BNF Lat. 9474, fol 58v
Lieu et époque d’origine : Tours, 1503-1508
Cachée dans ce précieux livre écrit à la main et enluminé pour la reine de France Anne de Bretagne, on trouve une représentation fascinante d’une scène de nuit.
Le tableau est entouré d’un cadre uni et doré avec les mots suivants en bas et à droite : « anv[n]cio • vobis • gavdiv[m] • magnv[m] • q[ui]a • hodie • nat[us] • est • /salvator • mv[n]di » et montre trois bergers au premier plan autour d’un feu. Le peintre, Jean Bourdichon, transmet les différents états temporels et psychologiques de chacun. L’un des bergers montre l’apparition dans le ciel au-dessus d’eux. Celui de droite arrête de jouer de sa cornemuse pour regarder l’apparition, se cachant les yeux de sa lumière aveuglante avec sa main droite. Le troisième berger s’agenouille et ouvre les mains avec surprise. En dehors des gestes des mains et des bras, le reste du corps est en symétrie chiastique. À l’arrière-plan, un troupeau de moutons. Puis viennent deux bergers qui lèvent les yeux et réagissent à la vision de différentes manières. Celui de gauche tend une de ses mains tandis que celui de droite se protège le visage avec son bras. Bethléem apparaît à l’arrière-plan comme une grande ville fortifiée et, à droite, deux autres bergers près d’un feu qui gardent les animaux commencent à prendre conscience de l’apparition de l’ange, comme le montrent leurs têtes levées et le bras que l’un d’eux tient en l’air pour se protéger le visage. Le paysage se termine par des masses rocheuses, des montagnes et des villes en arrière-plan. En haut, au milieu sur un fond doré, un ange vêtu de blanc tire le ciel en arrière en créant des plis nuageux. Il se tourne vers les bergers et leur montre Bethléem. Il faut mentionner le portrait méticuleux que Jean Bourdichon fait des traits des bergers, grossier mais noble, jamais caricaturé. De même, son traitement de la lumière, créant deux sources : la lumière inférieure projetée par le feu dont la lueur se reflète progressivement sur les corps des trois bergers, et la source supérieure que l’ange projette sur les visages des bergers au premier plan et les corps de ceux qui sont à l’arrière-plan. Un autre aspect remarquable est la représentation de différentes textures : la toison de la peau de mouton, les différents types de tissus et les peaux tannées des bergers, qui contrastent avec le teint doux de l’ange. Son étude de l’espace est également tout à fait convaincante. En adoptant un point de vue légèrement plus élevé que celui de l’homme au premier plan pointant vers le ciel, l’artiste donne au spectateur l’impression de faire partie de la scène, et ses yeux sont lentement dirigés vers les bergers qui se tiennent à l’arrière-plan et qui mènent ensuite directement à la vision de l’ange. Ce faisant, Jean Bourdichon manipule la psychologie visuelle du spectateur, l’entraînant peu à peu vers la surprise de l’apparition céleste.
L’annonciation aux bergers est la première épiphanie. Ils représentent le peuple juif qui a reçu la nouvelle de la naissance du Christ en premier. Ils doivent aussi être interprétés, selon les Pères de l’Église, comme le modèle pour les futurs prêtres qui protégeront les fidèles contre les dangers du monde. Par conséquent, l’éclat vu par les bergers est la grâce donnée aux prêtres qui remplissent bien leur mission.